10 Songs
Bob Dylan
1.Subterranean Homesick Blues (1965, Bringing It All Back Home)
L'album Bringing It All Back Home marqua un moment charnière dans la carrière de Bob Dylan. Il correspond au moment où l'enfant chéri de Greenwich Village se décide à brancher ses guitares afin d’enrichir sa palette sonore des nuances de Rock, de Blues et de Country qui font la fierté de la musique traditionnelle américaine. Par ce déluge d’électricité le musicien s'attira aussitôt les foudres des folkeux les plus endurcis, qui ne lui pardonneront jamais ce qu'ils considérèrent comme un crime de lèse-majesté et une véritable trahison envers un public qui l'avait fait connaître aux yeux du plus grand nombre. Pour un temps l'artiste fut même escorté par un cortège de quolibets et de sifflets lors de ses représentations de la part de ses anciens admirateurs. Car voila bien ce qui fut la grande faute de Bob Dylan : ne plus vouloir être un porte parole et ne plus accepter d'appartenir à son public. Ne plus vouloir parler pour les autres, et seulement vouloir parler pour lui-même, et de lui-même. S'affranchir, vaille que vaille. C'est ce que décida le musicien en cette année 1965, avec un brio époustouflant. Le plus remarquable exemple de cette métamorphose se nomme "Subterranean Homesick Blues", un folk-rock au rythme effréné où la musicalité se trouve aussi bien dans les notes que dans les mots. La chanson influença un nombre considérable de groupes et d'artistes au fil des décennies et est même fréquemment citée comme étant une influence majeure du rap.
2.Stuck Inside Of Mobile With The Memphis Blues Again (1966, Blonde On Blonde)
Blonde on Blonde est la dernière pièce du triptyque électrique du musicien. Il fait donc immédiatement suite à Bringing It All Back Home et à Highway 61 Revisited et se présente sous la forme d'un double album, le premier de l'histoire. C'est aussi le dernier album avant le terrible accident de moto qui l'immobilisa pendant des mois et suite auquel il changea radicalement son style de vie et sa façon d'appréhender la musique. C'est la fin d'une ère autant que le sommet de sa carrière. Certains crieront peut être au blasphème en lisant ces lignes, mais selon moi Dylan ne sera plus jamais génial après cet album. Certes parfois très inspiré, mais plus jamais génial. Il lui manquera toujours ce souffle prodigieux qui tempêta sur ses productions de 1963 à 1966 ( à l'exception de "Hurricane" peut être). "Stuck Inside of Mobile" est mon morceau préféré de mon album préféré de Dylan, il ne pouvait par conséquent que tutoyer les sommets de ce top 10. Très en verve, l'auteur y raconte ses pérégrinations dans la ville de Mobile, bled du sud profond des Etats-Unis peuplé d'une population autochtone complètement barrée et dans lequel notre ami se retrouve coincé. La chanson affiche plus de sept minutes au compteur, autant de minutes durant lesquelles le chanteur nous relate son ennui sans jamais ennuyer l'auditeur une seule seconde.
3.Like A Rolling Stone (1965, Highway 61 Revisited)
"Like A Rolling Stone" est incontestablement la plus féroce estocade du répertoire de Bon Dylan. Un règlement de compte en bonne et due forme. Un manifeste de rancune écrit à la bile narrant la disgrâce et la descente en enfer d'une jeune femme de bonne famille autrefois entretenue et qui finit toute seule dans un état de quasi-misère. Mais qui donc put être l'objet de ce cruel ressentiment? Parmi les cibles potentiels les plus souvent citées, l'une des plus probables pointe vers Edie Sedgwick, mannequin et égérie d'Andy Warhol qui inspira d'autres chansons tels que le "Just Like A Woman" du même Dylan ou encore le "Femme Fatale" du Velvet Underground. D'autres sources soumettent Joan Baez ou encore Bob Dylan lui-même comme candidats possibles à l'ire du songwriter américain. Quoi qu'il en fut, la chanson provoqua une onde de choc dans tous le pays lors de sa sortie en tant que single en 1965. Long de plus de 6 minutes et couvrant les deux faces du disque, le titre s'attira l'adhésion des foules à la surprise générale ainsi que les critiques élogieuses d'une presse unanime et se paya même le luxe de grimper jusqu'à à la deuxième place dans les charts du pays. En 2004, le bien nommé magazine Rolling Stone lui décerna même le titre officieux de meilleur chanson de tous les temps, rien que ça.
4.I Want You (1966, Blonde On Blonde)
Bob Dylan a rapidement était très enthousiaste concernant la vague de groupes pop-rock qui envahirent les ondes américaines au milieu des années 60. Ainsi fut-il très impressionné et admiratif par la façon dont les Byrds en particulier réussirent à magnifier sa propre composition "Mr Tambourine Man". S'il avait été un meilleur chanteur et mélodiste, il est même probable qu'il se serait orienté vers ce format de musique. Ce fut d'ailleurs aussi un peu dans cette intention qu'il décida de se mettre à l’électricité et de s'adjoindre un groupe permanent. A cet égard, "I Want You" peut être regardée comme la chanson la plus ouvertement orientée pop de tout le répertoire du musicien. Elle est également détestée par une fange non négligeable des admirateurs de l'américain pour cette même raison.
5.The Ballad Of Frankie Lee & Judas Priest (1967, John Wesley Harding)
La seule chanson post-accident de moto de ce top. "The Ballad of Frankie Lee & Judas Priest" apparaît sur l'album John Wesley Harding, disque paru en décembre 1967 très influencé par le country-folk et dont l'orientation prit tout le monde par surprise, critiques comme admirateurs. On peut y entendre un Bob Dylan apaisé et décontracté, dont la façon de chanter se trouve complètement transformée, loin de la rage et de l'urgence entendues lors de sa "période électrique". La ballade ici présente est l'un des plus éclatants représentants de ce qui s'apparente à la nouvelle marotte du compositeur : la parabole religieuse. Dylan n'a en tous cas pas perdu son habileté d'écriture entre temps, tant le texte de cette chanson apparaît toujours aussi admirable et fascinant.
6.Tombstone Blues (1965, Highway 61 Revisited)
6.Tombstone Blues (1965, Highway 61 Revisited)
Le sixième album de l'artiste se nomme Highway 61 Revisited et sort à la fin août de l'année 1965, soit cinq mois seulement après son prédécesseur Bringing It All Back Home, sorti pour sa part à la fin du mois de mars. Cette rapidité de création et de production se fait d'ailleurs ressentir sur une bonne moitié du disque, qui est conduit à une allure échevelée. Quatre titres frôlent l’excès de vitesse sur l'autoroute 61 : le vindicatif "Like a Rolling Stone" et les déglingués "From A Buick 6" et "Highway 61 Revisited" viennent ainsi se joindre à un "Tombstone Blues" mené à tombeau ouvert afin de former l'une des excursions supersoniques les plus mémorables jamais crées par le kid du Minnesota.
7.Mama, You Been On My Mind (1964, The Bootleg Series Vol.2)
En dehors de ses excès divers et variés en matière de beuveries et de "botanique", le jeune Bob Dylan possédait également une mauvaise habitude en ce qui concernait sa musique. Celui-ci avait en effet acquis une fâcheuse tendance à mettre de côté de manière assez incompréhensible quelques unes de ses compositions parmi les plus admirables. Il en fut ainsi pour des chansons telles que "She's Your Lover Now" ou "Blind Willie McTell" par exemple, mais également pour la superbe ballade "Mama, You Been On My Mind", qui fut pour sa part mise à l'index de Another Side of Bob Dylan. On y retrouve une facette plutôt vulnérable et nostalgique du chanteur, loin de l'image sarcastique et orgueilleuse qui lui était habituellement attribuée. Ce fut d'ailleurs peut être pour ces raisons que l'auteur décida de s'en débarrasser. Peut être dévoilait-elle tout simplement quelque chose de trop personnel et intime sur son créateur.
8.Girl From The North Country (1963, The Freewheelin' Bob Dylan)
L'auteur a seulement 21 ans lorsqu'il compose cette ballade, l'une des plus tendres de son répertoire. On peut y découvrir un Dylan sensible et nostalgique dans l'évocation de l'une des ses relations amoureuses passées, loin dans le souffle glacial de son natal Minnesota, prés de la frontière. Le chanteur reprit plus tard lui-même le titre dans une version beaucoup plus lente et country pour les besoins de son neuvième album Nashville Skyline en 1969. Si cette dernière se révèle indéniablement plus faible que l'originale, elle demeure néanmoins mémorable pour le duo formé par Dylan avec un autre monstre sacré de la musique populaire américaine, Johnny Cash.
9.Masters Of War (1963, The Freewheelin' Bob Dylan)
L’atmosphère se fait grave et pesante, le ton se fait cinglant et le verbe acide. La naïveté juvénile de "Blowin' In The Wind" est déjà balayée, le chanteur cesse de souffler dans le vent un instant pour souffler dans les bronches de ceux qu'ils exècrent, à commencer par ces puissants maîtres de guerre, vendeurs d'armes et d'âmes en tous genres. Sortie sur son deuxième album, "Masters of War" demeure sans conteste l'une des plus puissantes chansons de protestation du répertoire de Dylan, peut être même la meilleure. Seule ombre au tableau ; en piètre mélodiste qu'il était, Dylan avait pris l'habitude de reprendre certains airs de chansons traditionnelles afin d'élaborer ses propres compositions, cela sans toujours en faire crédit dans ses albums. Ainsi, la mélodie de "Masters of War" se révèle être une repompe complète de celle du "Nottamun Town" de Jean Ritchie. Reste le texte, qui pour sa part ne doit rien à personne.
10.Fourth Time Around (1966, Blonde On Blonde)
Cette chanson de Dylan possède une indéniable ressemblance avec le dylanien "Norwegian Wood" des Beatles sortit quelques mois auparavant sur Rubber Soul. Cette ressemblance mit par ailleurs longtemps John Lennon en émoi, lui qui se demandait si Dylan s'était inspiré de sa chanson ou s'il l'avait purement et simplement parodié. En clair si celui-ci lui rendait hommage avec un clin d’œil ou s'il se payait sa tête en lui envoyant un message voilé. Quoi qu'il en soit, le morceau demeure l'un des meilleurs du musicien américain et comprend l'une des plus envoûtantes et mélodiques lignes d’arpèges composées par le natif de Duluth.
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