10 Songs
The Rolling Stones
1.Paint It Black (1966, single)
Ou l'art de prendre le contre-pied complet de l'air du temps. A l'heure où la jeunesse du monde occidental se drapait dans un optimisme béat et préparait déjà les bacchanales bigarrées du Summer of Love et du psychédélisme, les Rolling Stones dégainaient de leur côté un monument de noirceur et de nihilisme avec le single pétaradant "Paint It Black". Tout repeindre en noir, les choses avaient le mérite d'être claires. Enfin, clair jusqu'à un certain point, c'est à dire tant que le titre est écrit sans virgule (Paint It Black) comme il est désormais communément admis. Car le simple ajout de celle-ci sur quelques pochettes d'origine suffit à alimenter la controverse des deux côtés de l'Atlantique à l'époque ; "Paint It, Black" signifiant dés lors "Peins Ça, Noir". Un égarement de ponctuation dont certains profitèrent pour taxer les Stones de racisme, et comme chacun sait, le racisme n'a jamais été une profession de foi top glucose. Néanmoins, et n'en déplaise aux détracteurs, ces péripéties linguistiques n’empêchèrent pas le titre de se frayer un chemin non seulement jusqu'aux sommets des classements américains et britanniques mais également jusqu'au panthéon de la musique rock. Le riff exotique du sitar de Brian Jones (sans doute inspiré par l'usage dont en fit George Harrisson sur le "Norwegian Wood" des Beatles sorti quelques mois auparavant) n'étant sans doute pas totalement étranger à ce succès aussi fulgurant que pérenne.
2.Wild Horses (1971, Sticky Fingers)
Plusieurs idées reçues complètement erronées circulent concernant les Rolling Stones : qu'ils étaient ennemis des Beatles par exemple, ou encore qu'il ne formaient au final qu'un groupe de rock certes ultra efficace mais sans variétés, un peu fruste voire bas du front. Or, Jagger et sa bande ont écrit quelques uns des plus puissants textes et quelques unes des plus belles ballades de l'histoire de la musique populaire d’après-guerre durant leur première partie de carrière. "Wild Horses" en est l'illustration parfaite. Une autre idée reçue voudrait que la bouleversante ballade soit une évocation de la rupture amoureuse entre Mick Jagger et Marianne Faithfull et du naufrage de cette derniére. Une autre voudrait que le refrain (wild horses/couldn't drag me away) ait été inspiré par les premières paroles de cette même Marianne au sortir d'un coma dû à une overdose d’héroïne. Difficile de démêler la part de vérité de la part de fantasme dans ce flot de rumeurs. Il n'en reste pas moins une ballade country intime et déchirante à laquelle de nombreuses personnes s’identifièrent au cours des quatre dernières décennies et qui fut reprise de nombreuses fois par des artistes de tous horizons.
3.Sympathy For The Devil (1968, Beggars Banquet)
Les hommes et le diable, un fantasme vieux comme le monde et qui trouve l'une de ses plus puissantes évocations au travers du mythe de Faust évidemment, ce savant qui vendit son âme à Méphistophélès en échange du savoir universel. Folkloriques ou non, des légendes du même accabit se répandirent au sujet d'un certain nombre d'artistes du vingtième siècle, suspectés d'avoir fricoté à leur tour avec le malin en échange de ses bonnes grâces, notamment du génie musical et de la réussite matérielle. Robert Johnson, Led Zeppelin ou encore Jimi Hendrix furent par exemple l'objet de ces rumeurs. Mick Jagger et sa bande aussi alimentèrent ces contes en passant pour de vils adorateurs du diable, ce qui contribua par ailleurs à renforcer leur image de mauvais garçons corrupteurs de la jeunesse dans laquelle ils se complaisaient tant. Et ce ne sont pas ces six minutes de samba-rock hypnotique époustouflantes à la gloire de Lucifer et de ses méfaits qui incitèrent leurs détracteurs à changer d'avis à leur sujet. Sorti sur l'album Beggars Banquet synonyme de retour aux sources du groupe après une parenthèse psychédélique mi-figue mi-raisin, le morceau démoniaque jouit toujours d'une immense popularité auprès des fans du groupe, ces derniers le nommant même fréquemment comme le meilleur morceau jamais réalisé par les Stones.
4.Out Of Time (1966, Aftermath)
Extraite de la version britannique d'Aftermath sortie en l'an de grâce 1966, cette merveilleuse ritournelle n'est certainement pas l'une des plus connues de la formation britannique, mais elle fait figure néanmoins de trésor des années soixante que tout le monde se doit de connaître. Doté d'un refrain digne de n'importe lequel des succès estampillés Motown, ce titre éclatant s'ornemente d'une orchestration fastueuse du plus bel effet qui fait passer la chanson pour un croisement entre "My Girl" et "Be My Baby". Mick Jagger quant à lui y dépose son chant unique ainsi que des paroles un brin misogynes pour l'occasion. Une sale habitude chez les Rolling Stones.
Une instrumentation novatrice et audacieuse pour cette chanson principalement due à Brian Jones, adepte des instruments et sonorités en tous genres sortant des sentiers battus. C'est en effet lui qui suggère l'utilisation du marimba pour la ligne mélodique entêtante qui court du début à la fin et qui fait en grande partie le sel du morceau. "Under My Thumb" contient également l'un des textes les plus misogynes composés par le groupe ; l'ex de Mick Jagger Chrissie Shrimpton étant comparée à plusieurs reprises dans les paroles à un animal apprivoisé. Pas très classe mais la demoiselle en question peut au moins s'enorgueillir d'être le personnage principal de l'une des meilleures chansons des Stones. On se console comme on peut.
6.Gimme Shelter (1969, Let It Bleed)
L'hymne pacifiste des Stones, et quel hymne! Celui-ci fut écrit en réaction à la période de violence et de soubresauts qui fit vaciller les sociétés occidentales à la fin des années soixante. Jagger implorant un abri (shelter) dans lequel il pourrait se préserver de la tempête qui faisait rage. Une fois n'est pas coutume, Mick Jagger se trouve seconder au chant par une illustre inconnue, Merry Clayton, alors choriste du groupe. Celle-ci déploie une performance vocale hors du commun qui insuffle un esprit de révolte et d'exaltation de nature à provoquer une grande émotion chez l'auditeur.
7.She's A Rainbow (1967, Their Satanic Majesties Request)
Il faut bien le dire, les Rolling Stones passèrent beaucoup de leur temps à courir derrière les Beatles au début de leur carrière, comme quasiment tous les groupes de l'époque d'ailleurs. Alors quand les fab four sortirent Sgt Pepper, les Stones essayèrent avec plus ou moins de bonheur des les imiter. Il en résulta des chansons plus colorées et mélodiques telles que "She's A Rainbow". Cette dernière est une pure merveille du genre, légère comme un nuage, magique comme un arc-en-ciel, et qui n'aurait absolument pas dépareillée sur n'importe lequel des albums des quatre garçons dans le vent.
8.Get Off Of My Cloud (1965, Single)
Pas très prêteur le Mick, en tout cas pas du genre à laisser le premier emmerdeur venu gâcher son bonheur d'hédoniste forcené. Personne ne monte sur le nuage du Jagger, au risque de se faire blackbouler sans autre forme de procès. C'est ce que dit en substance ce morceau de rock teigneux et plaisant qui succéda au méga hit "(I Can't Get No) Satisfaction" sorti quelques mois auparavant. Un petit frère en quelque sorte, tant les ressemblances entre les deux chansons s’avèrent nombreuses.
9.You Can't Always Get What You Want (1969, Let It Bleed)
Encore une fois une chanson inspirée par la musique des Beatles. Mick Jagger était toujours admiratif et à l'affût de ce que faisait les fab four, et de l'aveu même du chanteur des Stones, "You Can't Always Get What You Want" peut être considéré comme le "Hey Jude" du groupe, un titre qui l'avait beaucoup impressionné lorsqu'il l'entendit pour la première fois à sa sortie en 1968. Il décida d'en reprendre les ingrédients pour composer sa magnifique chanson : même début de ballade douce et même apothéose. Même merveille.
10.(I Can't Get No) Satisfaction (1965, Single)
Il semblerait que les minutes d'intense fatigue qui précédent l'assoupissement soient très propices à la création. Sans doute une histoire de censure intérieure qui s'effondrerait, laissant alors le champ libre à toutes les fantaisies du monde. Le riff le plus célèbre du monde est probablement sorti de ces rivages indécis partagés entre le rêve et la réalité. Ainsi Keith Richards, le cerveau totalement embrumé par la fatigue, prit tout de même le temps d'enregistrer le petit riff qui lui passait par la tête juste avant de s'écrouler comme une masse dans sa chambre d'hôtel. Résultat des courses en écoutant la cassette le lendemain au réveil : 40 minutes de ronflements...et 2 minutes du riff de ce qui deviendra l'une des chansons les plus connus du vingtième siècle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire