10 Songs
Serge Gainsbourg
Gainsbourg est au fond du trou ; Bardot vient de lui signifier qu'elle résilie leur idylle de façon unilatérale. Terminé Bonnie & Clyde. Terminé la Belle et la Bête. Direction Almeria, où la pulpeuse Brigitte s'en fut afin de rejoindre un tournage ainsi que son mari, Gunther Sachs, abandonnant définitivement le naufragé Serge dans son sillage, inconsolable pour un temps. Comme tout bon artiste qui se respecte, ce dernier décide alors de transformer son traumatisme en art, imbibant sa plume dans la blessure laissée béante par la vénus aux cheveux d'or. Il en résulte un dernier hommage, une ultime soumission : Initials B.B, son ode à l'amour perdu. Cette chanson Gainsbourg la voulait parfaite, comme pour magnifier leur union improbable, comme pour graver dans le marbre l'histoire de leur passion contre nature. Pour ce faire le compositeur s'inspira de Poe pour le texte (Le Corbeau), et de Dvorak pour la musique (La symphonie du nouveau monde). L'auteur mit plus de deux mois à peaufiner sa chanson, deux mois pour conférer à son texte une réelle dimension poétique auquel ne peuvent prétendre que quelques paroliers seulement. Un classique classieux.
Gainsbourg s'est trouvé une nouvelle poupée à bichonner après sa rupture avec Bardot. C'est au tour d'une nymphe pétillante tout droit venue d'Albion de succomber au charme du démiurge, une nymphe plus belle encore que ne l'était BB. Enlevez un B et ajoutez un J, ça donne Initiales J.B. J.B comme Jane Birkin. J.B comme Jeune Beauté. Celle-ci deviendra rapidement sa nouvelle muse et l'accompagnera dans ce qui reste aujourd'hui encore comme les années les plus créatives du chanteur. Son tour de force créatif justement, sa nouvelle lubie, celle qui le fera entrer définitivement au panthéon de la musique mondiale, c'est de créer une musique narrative, une histoire en musique, appelez ça comme vous voulez. Quasiment plus de chant. Musique et mots lovés comme jamais. Alchimie du verbe, alchimie de la note. L'histoire de Melody Nelson en moins de trente minute. C'est Nabokov dépouillé et Lolita orchestré. Sur le disque se trouve cette "Ballade de Melody Nelson" d'une exquise concision, récit plein d'élégance d'une relation amoureuse scandaleuse.
Le tube du grand Serge. Improbable tube. Un grand merci aux empaillés du Vatican qui eurent l'idée lumineuse de qualifier la chanson d’obscène, jetant l’anathème sur l'homme à tête de chou et enclenchant par la même occasion la machine à censure ainsi que le buzz dans plusieurs pays d'Europe. Peine perdue pour les censeurs, le titre cartonna quand même, les gens n'étant tout de même pas assez cons et hypocrites pour croire que l'amour est obscène. A l'origine la chanson fut composée suite à la demande de Bardot faite à Gainsbourg en 1967 de lui écrire "la plus belle chanson d'amour qu'il puisse imaginer". Il s’exécuta en une seule nuit, nuit durant laquelle il conçût non seulement "Je T'aime... Moi Non Plus" pour sa belle, mais également "Bonnie & Clyde". Finalement la version chantée en compagnie de BB fut mise au rencart à la demande du mari de cette dernière, embarrassé par le scandale naissant suite à sa première et unique diffusion sur les ondes d'Europe 1. Ce n'est finalement qu'en 1969 que celle-ci sortira dans sa version définitive, c'est à dire accompagnée du chant et des râles de volupté de la jolie Jane, et provoquera le tsunami médiatique que l'on connait.
4.Elisa (1969, Jane Birkin-Serge Gainsbourg)
1969, les scarabées bourdonnent c'est la folie à London, c'est du moins ce que dit la chanson. Et ce bourdon britannique n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, car sourd Serge Gainsbourg ne l'est pas, loin s'en faut, ses larges esgourdes sont à l'affût du moindre signal novateur, déployées comme des paraboles. Il succombe à la british invasion le grand Serge, comme tout le monde, mais pas que, celui-ci s'imbibe de toutes les influences envisageables dans un but de recréation toute personnelle ; effectivement, Gainsbourg était une éponge, dans tous les sens du terme. Ici le piano bastringue est d'influence Kinksienne (Mr Pleasant?), la mélodie d'une évidence sublime aurait pu être de McCartney, elle tourne en boucle et on en redemande. Restent les paroles, très françaises pour le coup, Gainsbourg fait claquer ses mots pour aborder la fascination des lolitas qu'il aura jusqu'à la fin de ses jours, éternel tabou des amours interdits. Mais voila le résultat, du bien bel ouvrage, "Elisa" est une perle. Et Serge Gainsbourg, tête de chou, cœur d’esthète, foie d'éponge, est un génie musical français.
5.Je Suis Venu Te Dire Que Je M'en Vais (1973, Vu de l'Extérieur)
Malgré une créativité à son sommet, Serge dut souvent faire face à une indifférence quasiment totale de la part du public. L'exemple le plus évocateur fut le bide retentissant rencontré par son chef d'oeuvre "L'Histoire de Melody Nelson". Quatre années le séparent de son dernier succès commercial "Je T'aime... Moi Non Plus" lorsque l'auteur renaît un peu sur le plan médiatique grâce à "Je Suis Venu Te Dire Que Je M'en Vais". Cette fois ci c'est dans la "Chanson d'Automne" de Verlaine qu'il puise allègrement son inspiration. Jane de son côté ne se pâme plus de plaisir à la fin du morceau mais bien de tristesse. Elle sanglote, elle gémit... Quatre années se sont écoulées ; il parait que l'amour en dure trois.
6.Variations Sur Marilou (1976, L'Homme à Tête de Chou)
Vous en connaissez beaucoup vous, des artistes qui peuvent vous parler de masturbation pendant plus de sept minutes sans jamais devenir vulgaire, mieux même, en faisant preuve de classe et d'érudition? Eh! bien moi j'en connais au moins un : Serge Gainsbourg. "Variations Sur Marilou" constitue la chanson phare du nouvel album concept de Gainsbarre "L'Homme à la Tête de Chou" sorti en 76. L'histoire fait écho à celle de Melody Nelson parue cinq années plus tôt. Le concept de l'amour entre une adolescente et un homme mûr est une fois de plus abordé. Melody fait place à Marilou. Encore une fois la nymphette meurt, cette fois ci assassinée. L'histoire se répète encore une fois ; le disque fait un bide monumental.
7.L'Anamour (1969, Jane Birkin-Serge Gainsbourg)
C'est en 1969 que le chanteur débute sa fructueuse collaboration musicale avec sa nouvelle compagne sur l'album sobrement intitulé Jane Birkin-Serge Gainsbourg. Celui-ci contient plusieurs grands classiques du compositeur et illustre à merveille, à grands renforts de basses moelleuses, ce qu'il appela son "année érotique". Un disque entre coup de soleil et coup de rein. On y retrouve notamment l'un des textes les plus savoureux de Gainsbourg, celui de "L'Anamour", et peu importe qu'il revête un sens ou non. Le chanteur y fait montre de tout son amour de la langue et de toute son habileté extraordinaire à faire résonner les mots au besoin d'une suite plaisante d'allitérations et d'assonances.
Initials B.B constitue indéniablement l'album le plus résolument pop de la discographie Gainsbourienne. C'est la période anglaise du chanteur, période qui correspond d'ailleurs à son exil temporaire dans la capitale du royaume. Aux côtés de "Initials B.B" ou encore de "Bonnie & Clyde" on peut donc trouver "Comic Strip", chanson d'une folle inventivité sur laquelle Serge s'amuse à faire des bulles en compagnie de Bardot, cette dernière se cantonnant à produire les irrésistibles onomatopées du morceau. Pour la petite histoire il existe également une version savoureuse de ladite chanson sur laquelle le grand Serge s'éxécute en anglais avec un accent français "so charming" à couper au couteau.
9.Marilou Sous Le Neige (1976, L'Homme à Tête de Chou)
Les histoires d'amour finissent mal en général chantaient les Rita Mitsouko dans les eighties. C'est pas forcément vrai, mais c'est pas forcément faux non plus. Celle de Marilou, elle, se termine plutôt mal étant donné que l'innocente nymphette se retrouve tuée à grands coups d'extincteur dans la tronche par un homme à tête de chou. Le côté sordide du faits divers est en tous cas magnifiquement contrebalancé dans la chanson présente par une grande légèreté d''ensemble ainsi que par un texte encore une fois admirable, une constante chez Serge Gainsbourg. Le disque impressionna à ce point Alain Bashung que ce dernier n'hésita pas à réinterpréter dans son intégralité l'album en 2006.
10.Le Poinçonneur Des Lilas (1958, Du Chant à La Une)
Le premier succès du maître, celui qui le fit connaitre et qui lui permit de faire son petit trou dans le showbiz. Gainsbourg y fait déjà l'étalage d'une grande maîtrise linguistique ainsi que d'une audace folle. Très inspiré par son mentor Boris Vian, il y aborde de manière poétique un thème très peu utilisé dans la chanson française d'alors : l'aliénation due à la pénibilité au travail ainsi que la dépression qui en découle. Musicalement, le morceau témoigne de la première période de l'artiste, très influencé par le jazz et le music-hall.
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