jeudi 26 mars 2015

KONTIKI (1997)

Le coup de coeur

(1997)



Le voilà, l'album qu'Oasis a toujours rêver de pouvoir composer. Le voilà, le disque qui aurait pu justifier (un peu) l'étiquette débile de "Nouveaux Beatles" dont les lads de Manchester furent affublés par des médias ivres de sensationnel. C'est qu'on en a vu passer des "nouveaux Beatles" depuis des décennies, des nouveaux messies, histoire d'inciter le chaland naïf à venir bazarder ses précieux brouzoufs dans l'espoir fébrile de goûter à nouveau de la frange folle. Pour ça on en a entendu des conneries, et des grosses encore, même qu'on en a pas fini d'en entendre, pourvu que ça puisse faire péter la machine à cash comme aux plus belles heures.

Et je me sens frère d'âme avec tous ces candides croyants, ces avaleurs de couleuvres. Comme eux, j'ai toujours eu en moi la volonté de croire en un retour, en une giclée musicale lumineuse jaillissant de quelque part, de Liverpool ou d'ailleurs. Et comme eux, je me suis souvent senti cocufié par les dithyrambes aguicheuses des soldats du marketing. Parce qu'il faut se le dire une bonne fois pour toutes : il n y aura jamais de "Nouveaux Beatles". Tout ça c'est du mou. D'autres phénomènes se produiront, certes. D'autres génies arriveront, sans doute. Mais de Fab Four, plus l'ombre d'une simple mèche. Finito. Fallait être là au bon moment les mecs. Remballez tout espoir.

En revanche il y aura des clones. Et il y en eut déjà d'ailleurs, beaucoup même, par centaines. Ils furent plus ou moins talentueux, furent plus ou moins intéressants et furent plus ou moins identiques entre eux. Mais tous avait en commun de partager un amour inconsidéré pour l'oeuvre des liverpuldiens à perruque. Et c'est précisément dans cette catégorie qu'il faut placer nos amis texans de Cotton Mather. Une petite trentaine de secondes suffisent d'ailleurs pour établir un tel constat les concernant. Ces quatre là ont bouffé Beatles matin, midi et soir du biberon à la bonbonne, et ce pendant des années. Histoire d'en mettre une bonne couche de plus, le chanteur se nomme même Harrison, et chante exactement comme John Lennon, à un point tel que c'en est troublant même pour le plus averti des fans du quatuor. Tout ça pourrait alors laisser augurer d'une bouffonne parodie, à tout le moins d'une pâle et grossière copie tellement ces gonzes là semblent taper fort dans la rubrique mimétisme. Or, il n'en est rien. Car Cotton Mather possède un atout maître qui le distingue des nombreux clones les ayant précédés : l'excellente facture de ses compositions. Le groupe maîtrise en effet l'art de trousser des chansons très accrocheuses dont les forces se reposent principalement sur un sens de la mélodie incontestable, sur des refrains imparables, ainsi que sur une production amoureusement léchée.

D'une manière générale, ce sont les sixties qui sont célébrées sur Kontiki, c'est la fête aux idoles, des Beatles à Dylan en passant par les Byrds. Et c'est plus particulièrement vers le lysergique "Revolver" de 1966 que lorgne l'ensemble, à tel point que certains titres savoureusement psychés semblent s'en être échappés pour venir faire un petit coucou furtif aux années 90 ("My Before And After" et "Aurora Bori Alice"), tandis que sur "Vegetable Row" c'est le phrasé typique de Bob Dylan qui semble être invoqué, ou pour être plus précis, John Lennon qui imiterait le phrasé typique de Bob Dylan (ce qu'il fit d'ailleurs plus d'une fois dans sa carrière le bougre). Le disque brille également par sa cohésion et son admirable équilibre, alternant l'acoustique et l’électrique quand il ne les mélange pas, ainsi que les chansons lentes (la magnifique "Spin My Wheels") et les rythmes plus pêchus, comme peuvent en témoigner les petites bombes powerpop que sont "Church Of Wilson" et "Password", offrant ainsi une agréable impression de variété à l'auditeur, qui ne s’ennuiera que rarement durant l'écoute.

Bien sûr, tout n'est pas parfait, et on pourrait relever quelques menus défauts et quelques bizarreries traînant par ci par là : une "Private Ruth" curieusement vertébrée par exemple, une "Lily Dreams On" un tantinet trop mielleuse et au chant un poil forcé pour accentuer l'effet de Lennon-like à mon gout, ou encore un enchaînement "Animal Show Drinking Show"/"Prophecy For The Golden Age" un peu anecdotique et pas mémorable pour un sou. Mais rien de très contrariant en définitive, en tous cas rien de nature à grever le bilan on ne peut plus positif de ce petit-grand album sorti en catimini à la fin des années 90.

Car je ne vous ai pas conté la petite histoire du disque pour parvenir jusqu'à nous. Ça arrachera sans doute la gueule de certains, mais c'est en grande partie grâce au flair et au bon gout de Noel Gallagher que le disque et le groupe purent faire leur petit bout de chemin, notamment en Europe. C'est en effet lui qui, mis en bouche par la qualité du disque qui entra miraculeusement en sa possession (l'album, sorti sur un obscur label, faisait alors un bide retentissant aux states), vint vanter à tout venant la qualité exceptionnelle du disque, attisant par la même occasion la curiosité de toute la presse spécialisée et braquant pour un petit laps de temps, les lumiéres sur ce Kontiki si mal embarqué à l'origine. Admiratif, le Gallagher invita même le groupe à se distinguer en première partie d'Oasis lors de sa tournée américaine.

Pour Cotton Mather ce fut alors pour un peu, comme qui dirait Noel avant l'heure.



My Before And After

Spin My Wheels

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