mercredi 28 janvier 2015

THE TOMS (1979)

Le coup de coeur

(1979)



C'était l'année 1979, c'était le bord des seventies. Le punk venait juste de dégobiller toute sa rage à la face du monde et s’apprêtait à en découdre encore durant la décennie à venir, bien décidé à tout faire valser sur son crasseux passage pour bien longtemps. Déjà l'on pouvait sentir frissonnant, l'haleine glacée de la coldwave parvenir des docks mancuniens, ou encore les beats synthétiques d'une new wave encore au berceau. L’ère glaciaire annoncée par Ian Curtis était en marche, lui-même n y survivrait d'ailleurs pas. Les bigarrures d'antan firent bientôt place aux mines blafardes d'une génération désenchantée, déferlant comme une seule vague sur les rêves refroidis de candides générations. Ce fut le coup de grâce définitif. L'optimisme n'était plus de mise ; le temps plus à mettre un hippie dehors. Les sixties devaient leur paraître bien lointains à tous ces gens gris, à l'aube des années quatre vingt.

Seul dans son studio domestique, insoucieux de l'air du temps et des modes, Tommy Marolda résistait pourtant dans son coin. Trop peu de gens le surent hier et trop peu de gens le savent aujourd'hui, mais Tommy possédait une belle partie des merveilleuses sixties dans sa tête, celle des débuts, pour lui tout seul. Il était de ceux qui pouvait les faire revivre à volonté. Et son unique moyen d'évangélisation fut alors de créer The Toms, groupe dont il fut le seul membre, le seul penseur et le seul exécuteur. Et son fait d'arme fut alors de composer "The Toms", son très finement nommé premier album, qu'il enregistra en trois jours seulement. Naturellement l'album bida dans des proportions dramatiques. Il ne fallait pas non plus s'attendre à des sommets de popularité pour un type invoquant le soleil en pleine âge de glace, quand bien même celui-ci ne manquait ni de talent ni de panache. Pareille mésaventure arrivera par la suite à d'autres joyeux inconscients du même acabit d'ailleurs, au premier rang desquels Orange Juice et son merveilleux "You Can't Hide Your Love Forever", que je vous conseille également pour l'occasion. Mais il en est ainsi, on ne lutte pas contre le courant, à moins d'être un saumon.

Avec son damier rouge et blanc en guise de pochette, The Toms ressemble à s y méprendre à une nappe de pic-nic. Cela évoque le printemps cela évoque l'été. Une brise tiède vient gentiment jouer dans nos cheveux et l'on se sent bien, et l'on se sent heureux d'être content. Et vice et versa. Car c'est véritablement de l'insouciance gravée sur sillon ce petit disque, de l'euphorie, de l'antidote, du contrepoison. De la morosité qui se fait la malle fissa, au moment même où résonnent les premiers accords chaleureux du pépère. La recette est pourtant simple et éculée : un couplet fort aguicheur auquel succède un refrain obsédant, et le tour est joué. Tommy s'en amuse même sur le titre "Hook", sur lequel il explique au sein même d'un refrain accrocheur, le secret pour justement obtenir un refrain accrocheur. Toutes les chansons contenues sur ce disque utilisent ce même procédé archi-connu, mais jamais lassant pour autant. Et ce sont les échos de la Beatlemania qui nous parviennent en ligne direct au travers de compositions telles que "Other Boys Do", "You Must Have Crossed My Mind", "The Bear" ou encore "Door", rappelant au monde ce début des années 60 oublié, avec son cortège de bleuettes catchy aux thèmes légers, son exaltation juvénile et sa foi inébranlable en des jours meilleurs. On pourrait considérer The Toms comme une sorte de "Hard Day's Night" passé à la moulinette powerpop si l'on osait, le genre de truc gonflé de bonnes vibrations et débordant d'un enthousiasme communicatif propre à faire danser un mormon.

Cerise sur le gâteau et pour ne rien gâcher, le disque fut réédité par deux fois par la suite, le tout agrémenté de nombreux bonus. Et pas n'importe quels bonus. Des chansons d'une qualité similaire pour la quasi totalité d'entre elles, et d'un égal pouvoir d’envoûtement. Parmi celles-ci je ne peux m'empêcher de placer une ultime bafouille enflammée sur le compte du tubesque "High On Your Love" ou de l'excellente "Outkast" mais surtout, surtout, je ne peux passer sous silence mon titre préféré entre tous, mon chouchou définitif : le sublime "She Can't Tell A Lie", que je ne peux malheureusement pas vous faire partager au bas de cette critique car elle est introuvable sur YouTube, mais dont je vous recommande vivement l'écoute sur Deezer ou Spotify.
Dans un monde bien fait The Toms aurait cartonné c'est certain, se serait vendu à quelques millions d'exemplaires à travers le monde et plusieurs de ses titres seraient aujourd'hui considérés comme des standards de la pop. Peut être même seraient elles apprises à la flûte ces chansons, par des gamins braillards lors des cours de musique. Je serais alors devenu président de la république pour ma part, Nadine Morano vendrait du poiscaille sur les marchés le dimanche, et Djee VanCleef aurait encore en sa possession quelques cheveux sur sa partie sommitale.

Quel monde fabuleux alors ce serait !

Sauf que le monde est mal fait, que c'était l'année 1979 et que c'était trop tard pour Tommy et The Toms. La musique pour un temps, était passé à d'autres modes.


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